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LA CATASTROPHE DE L'OUED SEFRA 21 OCTOBRE 1904

LA CATASTROPHE DE L'OUED SEFRA 21 OCTOBRE 1904
LA CATASTROPHE DE L'OUED SEFRA 21 OCTOBRE 1904LA CATASTROPHE DE L'OUED SEFRA 21 OCTOBRE 1904

LA CATASTROPHE DE  L’OUED SEFRA

21 Octobre 1904, le matin à 9 heures 45, à partir du Sud-Hôtel, on entendit crier : « Oh ! Mon Dieu ! Dépêchez-vous ! Vite à la terrasse ! Le village est englouti ! »

Tous les locataires quittaient leurs chambres la peur au ventre en regagnant la terrasse du premier étage pour sauver leurs vies. Les flots engloutissaient l’avenue de France. Du haut de la terrasse, un spectacle s’ouvre à leurs yeux : Un torrent jaune avec d’énormes bouillons d’eau se précipitait dans le boulevard. Il charrie des arbres, des zeribas et des choses qui ressemblaient à des corps humains et d’animaux. D’énormes bouillons d’eau pénétraient les maisons et montaient en dessus des portes et des fenêtres, jusqu’à ne pas distinguer les enseignes du café-bar Lévy, du Bazar et du bar Le Zanzibar. L’eau montaient à plus de cinq mètres ou plus. Les deux oueds en flots frappaient comme des vagues la façade de la maison qui leur faisait face. Impossible de communiquer avec l’extérieur pour demander de l’aide. A l’hôtel : le bureau, les chambres et le restaurant étaient inondés. Impossible de descendre pour chercher des couvertures. L’eau envahit l’avant dernière marche. Soudain, retentit un bruit de tonnerre, et le pont qui relit le village européen aux casernes s’était effondré. L’école laïque à côté était envahie par les eaux qui pénètrent violemment dans les classes et enlèvent sous les yeux des locataires, une dizaine d’enfants qui se noyèrent. Ils admiraient tout en tremblant le courage de l’instituteur Segula (1) qui était en train de sauver ses élèves de la catastrophe en les faisant montée sur son dos pour qu’ils puissent atteindre le toit.

               Le lendemain matin l’eau de l’oued est asséché mais il laisse une boue ocre et gluante. Après avoir pris leur petit déjeuner et avoir repris leurs forces, les locataires avaient commencé le nettoyage. Lyautey organisa des équipes militaires avec pour mission de dégager les rues pour faire circuler les véhicules pour la recherche des corps des victimes et aussi celle d’Isabelle Eberhardt, dont il avait appris sa disparition. A l’Est de la ville, le corps d’une femme européenne était retrouvé mais elle avait été identifiée par son mari qui était à sa recherche. Il avait constaté que la chaîne et la bague en or qu’elle portait avaient été volées.

            Le 27 octobre, quelques rues du centre-ville étaient redevenues comme avant. C’est dans une maisonnette à un étage que les soldats avaient découvert le corps de la journaliste sous les décombres les jambes repliées, revêtue de costume de cavalier arabe. Voici comment avait dû se produire l’accident selon le témoignage du sergent Kohn Klen Richard : «  Mon opinion est simplement celle d’un homme qui a vu. Entrée dans sa maison. Mme Eberhardt a dû repousser la porte derrière elle, monter les escaliers et gagner sa chambre à l’étage. Peu de temps après les eaux, montèrent et devinrent torrent qui s’engouffra dans l’habitation. C’était effroyable ! Troublée et éveillée par les grondements de l’oued, Mme Eberhardt en reconnut la nature ; elle se précipita au bas de l’escalier pour tirer au large et se réfugier dans les hauts quartiers, la crue était déjà trop forte pour qu’elle parvienne à sortir de la maison. Le mascaret déferlait au rez-de-chaussée, elle fut empoignée par l’eau en furie. Affaiblie par la maladie, elle perdit pied, fut étourdie, affolée, lancée contre une muraille, ne parvint pas à retrouver l’escalier sous le plafond sur abaissé ; rejetée dans le réduit, assommée, elle se noya. Sa sortie prématurée de l’hôpital était une grave imprudence ! Sûrement, elle n’offrit pas une longue résistance à la mort. Isabelle a quitté l’hôpital le 21 au matin, vers neuf heures pour rejoindre son mari Henni Slimane qui vient d’arriver à Aïn-Sefra. Elle aurait retardé d’une heure sa descente de l’hôpital qu’elle échappait à son destin funeste. Mais, comme on dit, quand on est marqué par la mort, il n’y a rien à faire pour la tromper ». Vingt six corps étaient découverts sous les ruines et enterrés le jour même au cimetière de Sidi Boudjemaâ.

      Un télégramme était reproduit par le journal la « Dépêche Algérienne » au sujet de la mort d’Isabelle Eberhardt : "Ain-Sefra (…) Ce matin 27 Octobre 1904, à 9 heures et quart, on a découvert sous les décombres d’une maison le corps d’Isabelle Eberhardt, dont le nom restera dans l’histoire de la naissante littérature algérienne. Le général Lyautey l’a fait inhumer au cimetière et ce fut une cérémonie touchante car dans le désert oranais on aimait cette jeune femme pour son intrépidité et on la vénérait à l’égal d’un marabout, pour sa science du Coran."… Elle repose depuis au cimetière de « Sidi Boudjemâa » (Ain-Sefra). Sa tombe porte en arabe le nom de Si-Mahmoud sous lequel figure son nom d’état civil : Isabelle Eberhardt, épouse Henni Slimane.

           Elle n’avait pas laissé d’héritage. Seulement : un lit, une chaise, une table et un sac mouillé par l’eau et la boue de l’oued. Il contient ses livres, ses manuscrits et ses cahiers intimes que le général Lyautey avait remis au rédacteur en chef du journal l’Akhbar, Victor Barrucand.

           Le général écrivait dans « lettres du Sud-Oranais » : « Elle était ce qui m’attire le plus au monde, une réfractaire … Trouvez quelqu’un qui est vraiment soi, qui est hors de tout préjugé, de toute inféodation, de tout cliché, et qui passe à travers la vie aussi libéré de tout, tel que l’oiseau dans l’espace. Quel régal !… ». Que Dieu ait son âme !

           Au delà de la frontière algéro-marocaine, le combattant Cheikh Bouamama dirigea la prière de l’absent en hommage aux victimes de la catastrophe de l’oued Sefra.

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  1. Cet acte de bravoure de Michel Segula lui valut des distinctions de Chevalier de la légion d’honneur et la Médaille d’argent des Instituteurs. Il était décédé le 09 mai 1934 à l’âge de 74 ans et enterré au cimetière chrétien de la ville. En hommage à son courage, la préfecture avait donné son nom à l’école laïque. Depuis cette date l'école est appelée : Ecole Segula.

        Pour information :

  - Mme Carré était institutrice. Elle avait quitté la ville à la fin des années trente, après son divorce, pour devenir la première femme espionne à la solde de l’Allemagne nazie durant la seconde guerre mondiale. De son vrai nom Mathilde Carré, alias Lily Carré, dite la Chatte. 1908-2007.

     - Mme Igli était directrice de l’école durant les années cinquante.

   - Safia Kettou, la poétesse et écrivaine était élève dans cette école puis institutrice à l'indépendance, après un stage à Arzew.  

    -L’école Segula a été détruite après l'indépendance.

                                                                                                                    B. BELLAREDJ

 

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